Les 5 raisons de la crise du Retail et les 5 leviers de transformation des réseaux bancaires

Le modèle traditionnel du Retail semble à bout de souffle

De nombreux signaux montrent que malgré une consommation des ménages plutôt solide, le modèle traditionnel des magasins en libre-service né dans les années 50 est entré dans une crise profonde. C’est un événement majeur car les centres commerciaux et le libre-service ont modelé l’urbanisme, nos représentations en un mot notre quotidien depuis plus de 60 ans.

Aux Etats-Unis, les grandes enseignes telles que Sears, JC Penney ou Macy’s ferment massivement leurs magasins, les pertes d’emplois s’accélèrent alors que le Retail est un pourvoyeur d’emplois majeur pour la classe moyenne, bien plus que la vieille industrie objet de toutes les attentions de la part des hommes politiques. Ainsi, durant le seul mois d’octobre 2016 dernier le secteur a supprimé 89 000 emplois aux Etats-Unis, plus que le nombre total d’employés travaillant dans l’industrie charbonnière. Certains analystes pensent que le point de bascule est passé, le secteur passant d’une crise rampante à un choc majeur. C’est d’ailleurs le pari de nombreux hedge funds qui considèrent l’immoblier commercial comme le nouveau big short après les subprimes.

En France, la situation n’est guère meilleure. Les centres-villes notamment ceux des villes moyennes se vident de leurs commerces, avec un taux de vacance commerciale moyen de plus de 10% dans nombre de villes moyennes ce qui est inquiétant. En parallèle, de nombreuses enseignes nationales, notamment dans le textile sont en redressement voire ont fait faillite. Le modèle traditionnel des hypermarchés est également à bout de souffle. Carrefour vient d’annoncer un profit warning tandis que tous les acteurs de marchés revoient le format des hypermarchés : plus petits, recentrés sur l’alimentaire et plus vivants. Mais il n’est pas certain que ce soit suffisant pour arrêter l’hémorragie.

Quelles sont les 5 causes majeures de cette crise du Retail ?

1)     La croissance ininterrompue du commerce en ligne est bien entendu la première raison invoquée. L’étendue du choix et la qualité de service en ligne sont souvent imbattables, notamment pour des enseignes n’ayant pas une différenciation produit suffisamment forte. Néanmoins, l’essor du commerce en ligne ne peut pas tout expliquer car il ne représente que 8% des ventes de détail en France et à peine plus aux Etats-Unis.

2)     Le vieillissement rapide de la population remet en cause le modèle traditionnel des centres commerciaux en périphérie. Cette catégorie de consommateur privilégie les formats de proximité plus faciles d’accès et offrant des interactions sociales bienvenues.

3)     Les comportements de consommation, notamment chez les CSP+ ont changé. La consommation de biens ostentatoires marqueurs de statut social (l’effet Veblen) est peu à peu délaissée au profit d’expériences uniques, personnalisées et tout aussi ostentatoires (voyages, événements…). Cette évolution réduit les achats d’impulsion dans les magasins physiques

4)     L’expérience client dans les magasins physiques est souvent la même qu’il y a 20 ans : un large choix de produits en libre-service, des vendeurs peu présents ou trop insistants, pas ou peu d’événements spéciaux donnant envie de venir naturellement dans le point de vente…

5)     Les clients habitués désormais à l’expérience en ligne avec son lot de notifications et ses nouveautés incessantes s’attendent à être surpris sans cesse. Certains, les GAFA en tête l’ont compris et tentent de proposer une expérience client nouvelle. Ainsi, Apple multiplie les événements dans ses Stores, Alibaba transforme et numérise le commerce de proximité en Chine, Eataly multiplie les conférences et les ateliers de cuisine dans ses magasins… L’objectif est de donner envie aux clients de franchir la porte du magasin, de créer du flux.

Comment les réseaux bancaires peuvent se transformer et répondre aux nouveaux besoins des clients ?

Les réseaux de banque de détail qui en France représentent plus de 37000 points de vente sont bien entendu particulièrement touchés par cette crise du Retail. De nombreux réseaux ont d’ores et déjà commencé à réduire le nombre de points de vente afin de s’adapter à la baisse de fréquentation. Mais une simple rénovation des points de vente avec quelques gimmicks digitaux ne suffira pas. Quelles sont les pistes de réflexion pour attirer de nouveau les clients dans les points de vente ?

1)     Rendre l’expérience en agence aussi fluide que chez les meilleurs commerçants en ligne (non les outils numériques actuels des banques ne sont pas le benchmark). L’objectif est de revoir l’ensemble des processus, notamment pour les opérations courantes (dépôt de chèques ou d’espèces, changement de coordonnées, signature électronique, 0 papier…) afin de faciliter la vie du client et lui donner envie de passer plus souvent dans son agence.

2)     Renforcer la flexibilité du service et s’adapter au rythme de vie des clients. Ici, une refonte des horaires d’ouvertures (pourquoi ne pas imaginer une nocturne par semaine comme dans de nombreux lieux culturels ?) ou la création de points de vente éphémères permettant de se rapprocher d’une population peu mobile souvent âgée peuvent être explorés. Au final, la course aux économies par la fermeture de points de vente n’est peut-être pas la meilleure stratégie pour renforcer l’engagement des clients.

3)     Créer l’événement au sein des points de vente. Sur le modèle de grandes enseignes du Retail les plus dynamiques, les agences pourraient accueillir régulièrement des conférences sur les produits financiers ou la gestion d’un budget bien sûr mais elles pourraient également abriter des conférences sur d’autres sujets intéressant les clients. Cette approche peut s’avérer particulièrement pertinente chez les mass-affluents, sensibles à ce type d’attentions. Une autre idée, poursuivie par la Société Générale est d’ouvrir les agences au coworking afin de créer du flux et des opportunités commerciales.

4)     Personnaliser l’expérience et recréer une intimité client. Sur ce point, il est possible d’utiliser la technologie bien sûr (pourquoi aucune de mes banques ne me souhaite mon anniversaire en me proposant une offre spéciale par exemple ?) mais la question de la qualité et de la cohérence de l’accueil client est également primordiale (attitude, phrases d’accueil type, dress code…). Plus particulièrement, la formation et la capacité de conseil des équipes commerciales doit être renforcée sur l’immobilier et le conseil en investissement, les deux domaines où les attentes des clients sont les plus élevées.

5)     Dégainer les offres spéciales et les séries limitées qui donnent aux clients l’envie de se déplacer. Certains retailers le font très bien (Nespresso avec ses éditions limitées par exemple, le Barista actuellement est délicieux) et donnent envie au client de faire un tour en magasin pour voir ce qui se passe. Dans une agence bancaire, l’offre spéciale peut être un fonds offrant une gestion attractive (les fonds de campagne sont parfaits pour cela), un taux préférentiel sur le crédit consommation, une prime en cas d’ouverture de compte épargne… Pour que ceci fonctionne, il faut bien entendu réussir à cibler finement les clients pour leur proposer uniquement les offres qui correspondent à leurs goûts.

En conclusion, le commerce physique et les agences bancaires ont encore un avenir. L’offensive des géants du numérique (Amazon, Allibaba, Apple…) dans le commerce physique en est d’ailleurs la preuve. Mais l’ancien modèle doit être remis en question ce qui impose une transformation des processus, de l’organisation et de la culture des réseaux de distribution traditionnels. Sinon, nul doute que les barbares du numérique sauront répondre à terme aux attentes des clients.