The Lean Startup de Eric Ries – Redécouvrir une méthode qui reste parfaitement d’actualité

Les livres sur l’innovation sont nombreux, trop nombreux et souvent décevants. Bien souvent, l’idée phare du livre se résume en quelques lignes avec bien peu d’éléments concrets pour agir ici et maintenant.

Il faut parfois se tourner vers des livres un peu anciens mais qui restent tout à fait pertinents : relire le Lean startup après l’effet de mode et le buzz est toujours aussi plaisant. Ce livre intelligent, riche et illustré par des exemples concrets de cycles d’innovation rapide est toujours d’actualité. C’est un retour d’expérience passionnant, l’auteur partageant de nombreux exemples, notamment la création chaotique de IMVU, startup dont il était CTO. Pas étonnant dès lors que le Lean startup soit devenu le livre de chevet de nombreux créateurs de startup mais aussi de patrons d’entreprises traditionnelles telles que General Electric en mal d’innovation.

Une méthode pas seulement pour les Startups

Comme son nom ne l’indique pas, le Lean startup n’est pas méthode construite uniquement pour les startup mais pour « a human institution designed to create new products and services under conditions of extreme uncertainty.». En effet, Eric Ries a rapidement compris que la définition pouvait être assez large, permettant à des entreprises bien établies d’adopter la démarche.

Tout l’enjeu de la méthodologie est de construire des « validated learning » le plus rapidement possible afin de pouvoir améliorer la qualité de l’expérience client et renforcer le potentiel de croissance du produit ou du service développé. En effet, le Lean Startup postule que l’équipe ne sait que peu de choses sur son marché et devra par un processus itératif rigoureux tester et confirmer l’ensemble de ses hypothèses. Quand on y pense, c’est une méthode d’une grande humilité, loin de la fiction, trop souvent relayée par les médias, du dirigeant génial capable de changer le monde grâce à sa seule intuition.

En quoi la méthode est-elle Lean ?

Le Lean management est un apport essentiel à la démarche :

  • L’approche est Lean car elle cherche à limiter au maximum le gaspillage. En effet, l’objectif est d’éviter de créer des fonctionnalités inutiles grâce à une validation méthodique des enseignements appris au fur et à mesure de la construction du produit.
  • Le Lean Startup s’appuie aussi sur le Genchi Genbutsu, c’est à dire la compréhension directe des clients. Le livre illustre le concept avec l’ingénieur en chef de Toyota pour un nouveau modèle destiné aux Etats-Unis. Cet homme a sillonné les routes des Etats-Unis et du Mexique, faisant des dizaines de milliers de kilomètres, pour s’imprégner des besoins réels des clients avant de lancer le développement de la nouvelle génération du véhicule.
  • La taille des lots est également un enjeu clé comme dans la méthode Lean. L’idée est de réduire au maximum leur taille (ici l’ampleur des modifications sur le produit) afin de pouvoir tester plus rapidement les évolutions et analyser plus facilement leur impact sur l’expérience client. En effet, il est très difficile de comprendre l’impact d’une évolution en particulier sur le comportement client quand elle est livrée avec des dizaines d’autres.
  • La méthode est également Lean dans sa gestion des stocks et des en-cours. L’objectif est de remplacer les flux poussés par des flux tirés. Le processus d’innovation est ainsi  tiré par les retours des clients et non poussé par un plan stratégique pré-défini.
  • Les 5 pourquoi est une méthode centrale du Lean Startup, permettant d’analyser en profondeur les causes des problèmes rencontrés. C’est un moyen puissant (même si délicat à maîtriser) d’amélioration des produits et des services, largement promu dans le livre.

Le Lean startup suit 5 grands principes

  1. Les entrepreneurs sont partout. Les startup ne sont pas la seule forme d’organisation favorisant l’innovation, l’entrepreneuriat peut aussi d’exprimer dans de grandes entreprises ou dans des associations.
  2. Entreprendre, c’est manager. Bien souvent on oppose management et entrepreneuriat, l’innovation ne pouvant se développer dans un cadre normé. Rien n’est plus faux. Il convient au contraire de construire un cadre clair, porté par une démarche rigoureuse permettant d’innover. L’approche « Just do it », adoptée par nombre d’équipes ne peut qu’échouer in fine.
  3. L’objectif d’une startup est d’aboutir à des conclusions vérifiées (« validated learnings »). En effet, une startup n’est pas là pour construire un service ou gagner de l’argent. Une startup est une machine à apprendre, chaque apprentissage devant être validé de manière rigoureuse.
  4. Pour confirmer les apprentissages, une comptabilité de l’innovation est essentielle. En effet, il est indispensable d’avoir une mesure précise des progrès accomplis afin de définir de manière dynamique les priorités. Ceci est aussi un moyen de ne pas être trompé par des indicateurs vains (« vanity metrics »).
  5. Enfin, pour innover il convient d’adopter une méthode de type « Build-Measure-Learn », avec des cycles les plus courts possibles. Ainsi, la démarche d’innovation consiste à tester des idées et voir comment les clients potentiels réagissent. En fonction des retours, il faudra soit confirmer et approfondir l’idée, soit pivoter vers d’autres idées. C’est aussi dans cette phase qu’est construit le fameux Minimum Viable Product (MVP), permettant de tester les idées clés de la startup. En effet, c’est un gâchis de construire un produit totalement abouti si au final le marché n’existe pas. C’est pour cela qu’il faut avant tout tester le cœur du produit avec les clients potentiels afin de ne pas se fourvoyer dans une perception erronée des besoins des clients. Si la cible est manquée, la startup devra pivoter et chercher à faire évoluer son business model et son offre.

La démarche Lean Startup – Build, Measure, Learn

Une machine à innover au service de la croissance

L’objectif de la démarche d’innovation du Lean Startup est de construire un moteur de croissance solide, la croissance pouvant venir de la fidélisation de clients, de l’acquisition payante ou de la création d’un produit viral. La Startup devra néanmoins rester flexible pour changer de stratégie quand le moteur de croissance s’essouffle.

Enfin, pour innover, un certain sentiment d’urgence est nécessaire. Il faut des ressources limitées, une réelle indépendance dans les prises de décisions et un alignement entre l’équipe et la réussite du projet. Dans les grandes structures, isoler les équipes innovantes est souvent la meilleure solution. Néanmoins, il ne faut pas cacher les équipes en charge de créer des projets innovants, au contraire il faut communiquer de manière transparente au reste de l’entreprise afin d’éviter les réactions négatives et défensives qui mettraient les résultats produits par l’équipe. La transformation et l’innovation sont au final l’affaire de tous et un projet d’entreprise à part entière.