La dernière publicité TV du Crédit Mutuel qui met en scène la possibilité d’obtenir une voiture via un distributeur automatique de billets illustre bien le désir des acteurs du crédit à la consommation de faciliter au maximum l’accès au crédit et de démocratiser son recours. En effet, ce marché retrouve le chemin de la croissance depuis 2014 pour dépasser son niveau d’avant crise. Le taux de croissance sur les 12 derniers mois est de +6% avec près de 174 milliards d’encours de crédit à la consommation aux particuliers.
Le marché a bénéficié d’une conjoncture économique favorable :
- Le retour de la croissance
- La baisse du chômage
- Une confiance retrouvée de la part des consommateurs
- Des taux de refinancement de la BCE très faibles
De plus, les acteurs du marché ont su faciliter l’accès aux crédits grâce à la digitalisation de la relation client et ont largement bénéficié de l’essor très important de la location avec option d’achat (LOA).
Ce constat cache des disparités entre les acteurs spécialisés et historiques du marché (Cofidis, Cetelem, Sofinco…) et les banques traditionnelles. En effet, ces dernières ont eu une croissance beaucoup plus importante depuis 2014.
Aujourd’hui, l’enjeu des acteurs du crédit à la consommation est triple :
1. Conquérir les jeunes actifs grâce à des offres adaptées et une digitalisation des processus tout au long de la chaine de valeur
Les jeunes actifs ont en général peu d’historique professionnel, des revenus instables, des finances limitées et une capacité d’endettement faible. Le premier enjeu pour conquérir les jeunes doit passer par le développement d’offres adaptées à leur situation spécifique.
Par exemple, le « prêt personnel jeunes actifs » de Younicredit intègre ces éléments puisqu’il permet aux jeunes actifs de financer en totalité une dépense importante (ex : matériel informatique, voiture, mariage…) sans avoir à fournir des garanties trop importantes et tout en bénéficiant de taux d’intérêts intéressants et la possibilité de solder le prêt de façon anticipée sans frais. Le crédit Micro Portable Etudiants (MIPE) de la Caisse d’Epargne permet aux jeunes d’acquérir un ordinateur portable à des conditions tarifaires avantageuses.
Par ailleurs, les 18-29 ans, plus communément appelés génération Y, sont ultra-connectés, entre réseaux sociaux, médias, e-commerce, leurs habitudes de consommation passent par le digital. La digitalisation des services est donc le deuxième enjeu pour conquérir les jeunes actifs et présente un double avantage : elle permet d’une part de renforcer l’attractivité auprès d’une population de plus en plus consommatrice de services bancaires au quotidien. Et d’autre part, le digital permet une automatisation, une simplification et une rapidité des processus.
L’ensemble de la chaine de valeur est concernée :
- En amont grâce au développement d’assistants intelligents et aux agrégateurs qui permettent l’accès aux fonctionnements de compte.
- A la souscription grâce aux Chatbots pour répondre aux demandes des clients en temps réel, à l’automatisation des processus de vérification des pièces justificatives, de signature électronique et de mise à disposition des fonds. Par exemple, BPCE a mis à disposition de ses clients un Chatbot pour répondre à une demande de crédit renouvelable avec simulation de crédit. Aussi, cette dernière propose une application innovante, Huguette, qui permet au client de faire une demande de prêt en envoyant la photo du bien désiré.
- Pour le suivi et la gestion du crédit grâce à l’espace client en ligne ou l’application mobile. Une étude IPSOS révèle que 77% des Français estiment que les banques proposent des outils et moyens efficaces pour communiquer et réaliser des opérations.
En résumé, le Prêt Express de La Banque Postale, est un très bon exemple de souscription de crédit rapide et fluidifiée puisqu’il permet d’obtenir son crédit en « 3 clics et en 2 minutes » de manière totalement dématérialisée, pour des montants allant jusqu’à 30 000 euros.
Même si les jeunes ont des profils de risques plus élevés et sont moins rentables, cette cible reste clé pour les banques et les acteurs spécialisés car cela permet de fidéliser une population qui fait ses débuts dans la vie active et qui va monter en gamme en termes de revenus, de services demandés et de consommation. L’idée est de capter un client très tôt en anticipant sa rentabilité future.
2. Adapter sa stratégie pour attirer des profils seniors, de plus en plus nombreux
Le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie font que la proportion de profils seniors ayant recours au crédit à la consommation augmente chaque année. En effet, les seniors représentent 45% des encours de crédit à la consommation, soit 2,02 milliard d’euros dans la production (source : Score Advisor), et représentent 1/3 de la population française, une proportion qui ne fera que progresser dans les prochaines années. Selon l’INSEE, en 2030, la proportion des habitants de 65 ans sera de 23,2 %, contre 18,4 % en 2015.
Cela nécessite de réfléchir à une stratégie de contact adaptée aux profils seniors et une stratégie de communication plus adaptée en termes de discours et de levier de communication.
Pour cela, il est indispensable de préserver une complémentarité entre contact digital et humain.
En effet, il faut noter que malgré les efforts de digitalisation, près de 70% des crédits sont souscrits en agence (source étude Franfinance) et 55% des Français préfèrent le contact humain (source étude Ipsos).
Il faut donc laisser le choix au souscripteur qui aura une préférence pour l’un ou l’autre type de contact en fonction du type de service bancaire et du caractère sensible de l’opération effectuée.
Par exemple, les virements et les opérations de gestion de compte se font majoritairement par la voie du digital alors que les opérations de renégociations de prêts ou de demande de conseil se font par contact humain. Ainsi, la valeur ajoutée de la banque traditionnelle repose en grande partie sur le service de conseil et le contact humain.
Depuis juin, le Crédit du Nord a par exemple développé une démarche dédiée à cette cible de clientèle en se dotant d’une équipe de conseillers spécialisés sur les problématiques bancaires seniors. Si les résultats s’avèrent positifs, la banque pourrait élargir son dispositif de conseillers seniors.
La Banque Postale a, quant à elle, ouvert une plate-forme de coaching financier « Appui » dédiée à ses clients seniors.
Enfin, les profils seniors représentent un réel enjeu business pour les acteurs du crédit à la consommation puisqu’ils sont rentables avec une capacité d’endettement importante: leurs revenus sont stables, ils ont généralement terminé de rembourser leur prêt immobilier et peuvent garantir leur patrimoine en cas de défaut.
3. Tirer parti et s’adapter au nouveau mode de consommation des classes moyennes
L’usage remplace la propriété : le succès des solutions de location :
Aujourd’hui, l’usage a remplacé la propriété. En effet, depuis quelques années, le modèle de consommation traditionnel fondé sur l’achat et la possession des biens est remis en cause pour faire place à un marché de l’usage, de la location. Les offres de type location longue durée (LLD) – louer un bien pendant une certaine période en contrepartie d’un loyer – et location avec option d’achat (LOA) – contrat par lequel un établissement financier achète un bien pour le louer à l’utilisateur, sous certaines conditions, avec possibilité pour l’utilisateur de racheter le bien à un montant prédéterminé – répondent parfaitement à ce nouveau modèle de consommation. Traditionnellement limité au secteur automobile, ces solutions s’ouvrent progressivement à tout type de produits comme l’aménagement et l’équipement de la maison (meubles, TV, électroménager…).
Par conséquent, les acteurs du crédit à la consommation ont tout intérêt à s’appuyer sur ce type d’offres. En effet, la LOA a enregistré un taux de croissance annuel moyen entre 2014 et 2017 de plus de 30% démontrant le succès et l’attrait de ce type d’offres auprès des souscripteurs de crédits.
Ouvrir l’architecture en développant des partenariats :
Un des leviers de croissance clés pour les banques traditionnelles est d’anticiper et détecter non pas la demande de crédit mais l’intention d’achat en développant des partenariats exclusifs avec les acteurs du e-commerce.
Tout en profitant de la croissance du secteur e-commerce, cela permet de proposer des solutions de financement personnalisées, directement sur les sites internet de ces acteurs et au bon moment. L’objectif est de proposer au client une solution sur-mesure au même moment que son intention d’achat et ainsi l’inciter à la concrétiser.
L’IA et le Big Data permettent de récupérer de la donnée sur des clients qui ne sont pas crédiphiles et qui n’auraient pas eu recours au crédit de manière traditionnelle. L’enjeu pour les acteurs du crédit à la consommation est de récupérer de la data sur le maximum de clients potentiels. Croiser différentes bases de données permet de déterminer des habitudes d’achats et des moments de vie (renouvellement de la TV, du réfrigérateur, déménagement, etc.). Par exemple, Banque Casino propose le prêt Coup de Pouce basé sur les comportements d’achats des clients Cdiscount avec une mise à disposition des fonds en un jour.
Aussi, ce genre de croisement de données peut être élargi à d’autres acteurs détenteurs d’informations sur les clients comme les compagnies d’assurances qui peuvent, par exemple, mettre en évidence des besoins de financements après un sinistre.
Par ailleurs, les banques traditionnelles et les acteurs spécialisés doivent maintenant faire face à de nouveaux entrants comme les Néo-banques. En effet, parmi ces dernières on trouve Orange Bank qui tire profit des données qu’elle détient sur ses clients pour créer un score et proposer des simulations de montants maximums de crédits allant jusqu’à 7000€ et sans aucun justificatif.
Au-delà des assurances et des acteurs du e-commerce, les banques traditionnelles ont tout intérêt à développer des stratégies « Bank-as-a-platform » en ouvrant leur architecture à d’autres tiers comme les Néo-banques, qui serviront d’interfaces pour capter des sous-segments de clientèle. Ce type de stratégie présente le double avantage de pouvoir séduire de nouveaux clients à un cout d’acquisition moindre et de détecter les grandes tendances pour adapter les offres et répondre aux besoins variés des sous-segments de clientèle. Les Néo-banques deviennent ainsi à la fois des partenaires et des concurrents des banques traditionnelles.
En définitive, l’enjeu des acteurs du crédit à la consommation est de pouvoir cibler plusieurs types de populations aux besoins très différents via divers canaux. Pour cela, il est nécessaire d’optimiser et automatiser les process (scoring, gestion administrative, recouvrement…) pour répondre à des besoins communs à toutes les cibles et construire une architecture ouverte avec un champ des possibles quasi-illimité pour accéder au crédit: en agence, en ligne et via des partenaires (distributeurs, assureurs et Neo-banques)
Cependant, l’architecture ouverte peut aussi présenter un désavantage pour les banques traditionnelles qui perdent la relation directe avec le client qui représente souvent un enjeu stratégique.