Disruption de Stéphane Mallard (allez-vous être disrupté ? La réponse ici)

J’avoue avoir eu un peu peur à la lecture du titre de ce livre : Disruption – Intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmentée. La disruption est devenu un terme totalement galvaudé, les « simples » innovations incrémentales et autres optimisations de l’existant sont en effet trop souvent confondues avec la disruption qui consiste à remplacer purement et simplement l’ancien par le nouveau. La disruption ne fait en effet pas de quartier, elle ne cherche pas la motion de synthèse, elle génère la destruction créatrice chère à Schumpeter.

Ce livre est une bonne surprise car il nous présente de manière simple, concise et précise les bouleversements de l’époque. L’auteur nous plonge tout d’abord dans la révolution de l’IA et des assistants personnels qui demain nous assisterons dans notre quotidien. Alexia, Siri ou OK Google ne sont que les balbutiements d’une tendance de fond : demain nous serons tous accompagnés par un compagnon virtuel, parfaitement adapté à notre personnalité, nos envies, nos besoins, entraîné à nous aider et même à décider à notre place. L’assistant pourra tout faire seul, éventuellement en nous notifiant pour les plus stressés d’entre nous : payer les factures, gérer son budget, organiser nos vacances (incluant appeler l’hôtel pour réserver, Google sait appeler pour prendre rendez-vous chez le coiffeur désormais)… Nous avions évoqué sur le blog cette hypothèse il y a quelques temps déjà avec la description d’un assistant nous incitant à épargner. Pour les entreprises, cette révolution est capitale car il faudra désormais convaincre notre assistant personnel, capable d’analyser de manière rationnelle les opportunités, plutôt que nous autres, être humains pétris de biais cognitifs et de contradictions.

Ensuite, l’auteur enchaîne sur un rapide développement sur la fin du salariat. Dans un monde fait de disruptions, les entreprises auront de plus en plus besoin d’aides ponctuelles pour quelques heures, quelques jours ou quelques mois. Le travail va peu à peu se plateformiser car grâce au Digital, les coûts de gestion d’un nœud de contrats (rappelons-nous les travaux de Coase dans « La nature de la firme ») sont en train de s’effondrer. La motivation première de l’expansion du salariat, réduire le coût de gestion, de maintenance et de sourcing des contrats est en train de s’effacer. Mais cette transformation changera la donne : seuls ceux qui sont les plus dynamiques, les plus capables de s’adapter saisiront les opportunités. Ce ne sera pas tant une question d’expertise ou de connaissance, les deux étant en voie de commoditisation. Non, les gagnants du monde du travail seront les personnes ayant les bons soft skills : empathie, intelligence émotionnelle et situationnelle, culture générale et capacité d’analyse.

Enfin, l’auteur réexplique ce qu’est la disruption et pourquoi les entreprises actuelles se leurrent avec la fameuse « transformation digitale ». Le Digital n’est pas l’existant augmenté, c’est le nouveau qui détruit le statu quo. Les entreprises établies doivent comprendre que leur business model risque de totalement changer et se préparer dès maintenant à brûler leurs navires. Kodak n’a pas su le faire en voulant utiliser le Digital pour permettre aux clients d’imprimer les photos chez eux ou sur une borne quand tout le monde se contente de les regarder sur écran. Malheureusement, dans une organisation hiérarchisée et très politique, où les bons élèves « dociles » sont la norme, il semble illusoire d’attendre la moindre disruption. Ce ne sont pas les hackatons, les incubateurs internes ou les rachats de Fintechs (celles qui se laissent racheter ne sont pas les meilleures) qui changeront la donne.

En conclusion, un livre bien écrit, malin et clair qui donne à réfléchir, même aux consultants moqués à raison dans le livre. Nous serons tous disruptés à un moment donné, c’est inévitable, personne n’est à l’abri. Alors autant accepter l’inéluctable et se préparer à se réinventer.