Les 5 grands défis de l’Asset Management et de la Banque Privée en 2020

Voici quelques temps que je me prête au jeu des prévisions avec plus ou moins de succès. L’année dernière, je m’étais ainsi totalement fourvoyé sur l’explosion de la bulle autour des Fintechs. J’ai d’ailleurs changé d’avis, les grosses Fintechs devraient multiplier les levées de fonds pour booster leur croissance, les récentes levées sont d’ailleurs symptomatiques.

Cette année, je concentre mes prévisions sur l’Asset Management et la Banque Privée avec 5 thèmes clés.

  1. Le risque de liquidité sur les instruments financiers revient au centre des préoccupations des clients et des régulateurs. La crise vécue par H2O avec des sorties de fonds de près de 8 milliards en 2 semaines ou l’effondrement de Woodford ont remis au centre de l’actualité la liquidité des instruments financiers. Les taux bas poussent les investissements dans les actifs moins liquides pour trouver du rendement. La tendance inquiète les régulateurs comme la FCA qui a renforcé sa réglementation et pourrait entraîner une crise majeure en cas de retournement de marché. L’adéquation entre la liquidité de l’actif et du passif des fonds, la capacité à expliquer des structures complexes structurées autour de produits peu liquides, je pense ici aux EMTN devenus très populaires en banque privée, seront des thèmes centraux en 2020.
  2. L’architecture ouverte se réduit avec des distributeurs simplifiant et transformant leurs offres. Face à la complexité du conseil dans un monde post-MiFID II, les distributeurs comme les gérants simplifient leurs gammes. Les fonds profilés devraient  gagner en attractivité, c’est déjà le cas en Europe du Nord, où ce type d’offre est devenu cœur pour les clients banque privée avec moins d’1 million d’actifs. Autre tendance, la transformation de fonds externes en fonds « maison » multimanager, sur le modèle ABN Amro. C’est une manière de rationaliser la gamme et de transformer les rétrocessions en frais de gestion, plus aisés à expliquer. En tous cas, les clients ne pourront que réagir à moyen terme devant le récapitulatif annuel des coûts et charges. Ceci ne fera que renforcer la pression sur les frais perçus par les intermédiaires.
  3. Le coefficient d’exploitation devient le principal indicateur de pilotage de la banque privée et de la gestion d’actifs. Le secteur bancaire n’est pas encore la nouvelle sidérurgie mais 50 000 postes ont été supprimés en 2019 en Europe. Les Asset Managers comme les Banques Privées ont multipliés les plans, que ce soit BlackRock, StateStreet, BNPP AM ou plus récemment UBS. L’industrie voit ses frais de gestion s’éroder à cause des taux bas et de l’explosion de la gestion passive qui draine 11 trillions d’USD désormais. En parallèle les coûts sont en hausse à cause du renforcement de la réglementation et des efforts nécessaires sur la qualité de service. L’industrie fait donc face à un effet ciseau qui va peser durablement sur les marges.
  4. L’irrésistible montée en puissance de la gestion durable et les dangers du greenwashing. Les actifs gérés selon des principes ESG sont en forte hausse et atteignaient 1500 milliards en 2018. Plus de 85% des clients déclarent désormais un intérêt pour les instruments financiers durables, ce qui pousse les acteurs de marché à « verdir » leurs offres. Mais gare au greenwashing, les ONG sont vigilantes. BlackRock en a fait les frais et a dû revoir sa stratégie de vote en assemblée générale après avoir perdu certains mandats emblématiques. Les acteurs de marché vont devoir renforcer leur approche, investir en analystes et en données pour anticiper les demandes croissantes des clients et des régulateurs. L’initiative Sustainable Finance lancée par la Commission Européenne avance rapidement et la Banque de France va lancer des scénarios sur le risque climatique pour les banques et les assureurs dès cette année. C’est sûrement un axe clé pour distribuer des produits mieux margés que les ETFs et fonds passifs
  5. Les clients comprennent que les taux négatifs sont appelés à durer et modifient (enfin) leurs comportements d’épargne. Les taux vont rester durablement bas, l’OAT à 10 ans sert de nouveau un rendement négatif, de l’ordre de -10 bps. Les investisseurs se tourneront peu à peu vers des supports plus risqués, les UC ont ainsi représenté 41% de la collecte en assurance-vie en décembre. Ceci a du sens, sachant que plus de 60% de l’épargne est investie en cash. Cette allocation est en effet sous-optimale pour préparer sa retraite ou financer ses projets de vie à moyen terme. Les intermédiaires poussent fortement vers cette évolution : les taux négatifs coûtent 2 milliards aux banques françaises et le fonds euro véritable couteau-suisse des épargnants n’est plus une option également. Néanmoins, l’évolution des mentalités prendra du temps et nécessite de former conseillers et clients à cette évolution. Les régulateurs seront vigilants, notamment sur l’adéquation du conseil au client.

Si vous avez en tête d’autres sujets chauds pour 2020, n’hésitez pas à lancer la discussion en commentaires 🙂