COVID-19 : 6 leçons à tirer sur la gestion de la liquidité des fonds

La crise du COVID-19 a généré un effondrement des marchés, historique par sa rapidité et son ampleur. Les investisseurs ont largement vendu leurs positions dans un mouvement s’apparentant à une panique baissière. Heureusement pour les marchés, les banques centrales sont intervenues rapidement en ouvrant le robinet à liquidités : baisses de taux, plans de rachats d’actifs massifs (pour la seule BCE, un plan à 1300 milliards d’euros) avec une extension pour la FED aux ETFs investis en obligations HY. Résultat, le marché s’est stabilisé et a même initié un rebond lui aussi inédit, aidé par une reprise de l’activité économique plus rapide que prévue.

Les fonds doivent une bonne partie de leur bonne résistance durant cette crise à cette politique monétaire ultra-accommodante. En effet, très peu de fonds ont mis en place des Gates : 0,1% des actifs des fonds luxembourgeois, certains Property funds britanniques ou certaines gestions de niche. Néanmoins, cette crise a mis en lumière 6 grandes faiblesses des sociétés de gestion dans la gestion de leur liquidité

  1. Attention aux actifs peu liquides (nous étions prévenus pourtant). Depuis des mois, investisseurs et régulateurs s’inquiètent de la part grandissante des instruments financiers peu liquides à l’actif de fonds cherchant du rendement dans un univers de taux bas. Certaines gestions trop exposées comme celles de H2O en ont fait les frais. Les ventes précipitées d’actifs ont par ailleurs créé un effet de second tour accélérant la baisse sur ce type d’actifs, comme redouté par l’ESMA dans ses récents stress tests de liquidité. Résultat, les gérants ont fortement réduit leur exposition aux actifs peu liquides durant la période. Invesco par exemple a liquidé un portefeuille d’actifs peu liquides dans ces mandats Equity, au prix d’une perte de 60%.
  2. La nécessité d’une fonction risque forte et indépendante. La crise comme d’autres auparavant a mis en lumière le besoin d’un dialogue constant entre les gestions et les risques pour piloter l’exposition des fonds. Lors de l’affaire Woodford, le contrôle des risques n’a pas réussi à infléchir la stratégie de gestion malgré un niveau de risques non approprié. Ceci pose aussi la question de la capacité à résister face à des gérants star, connus pour leur capacité à prendre des positions allant à l’encontre du consensus de marché.
  3. Et si les frais de superformance contribuaient à une prise de risque trop importante ? Depuis quelques années, certains gérants basculent une partie de leurs gestions actives vers un modèle avec des frais variables indexés sur la surperformance. Dans l’esprit la pratique est vertueuse et doit permettre un alignement des intérêts entre investisseur et gérant. Dans les faits, les frais variables peuvent pousser les gérants à prendre plus de risques, en particulier dans un marché haussier. Les performances décevantes de gérants ayant adopté ce modèle illustrent un aléa moral qui mériterait d’être analysé plus en détails.
  4. La gestion opérationnelle de la liquidité doit s’anticiper. Les régulateurs ont assoupli, notamment au Luxembourg, les modalités de mise en oeuvre du swing pricing ou des Anti-Dillution Levy. Malheureusement, si ces mécanismes étaient bien présents dans les prospectus des fonds, nombre de gérants n’étaient tout simplement pas prêts à mettre en oeuvre opérationnellement ces mécanismes. C’est désormais chose faite, dans la douleur dans certains cas.
  5. La gestion des risques passe aussi par un suivi des corrélations. Nombre de fonds dits « diversifiés » poursuivaient en réalité une stratégie unique via différentes classes d’actifs. L’illustration typique est le fonds H2O Multistratégies dont l’ensemble des stratégies suivaient in fine un biais de marché bullish. La capacité à stresser les moteurs de performance et leurs corrélations est centrale pour piloter le niveau de risque du fonds.
  6. Cash is king. Les fonds avec des coussins de cash ou d’équivalent cash ont mieux résisté durant la crise. Lors de la liquidation de leurs positions, ces fonds ont en effet pu alterner entre les deux approches utilisées traditionnellement lors de la liquidation de positions : slicing (appropriée pour préserver son cash) ou waterfall (plus favorable à la performance). Les fonds short en cash n’ont pas eu le choix et ont vendu des actifs à bas prix pour honorer les rédemptions de leurs clients. Par ailleurs, dans un environnement de marché agité, les fonds ont vu leurs charges en IM et VM augmenter et leurs besoins en HQLA collatéral s’accroître. Avoir accès à des capacités de transformation de collatéral est dans ces conditions crucial pour tenir ses positions sur dérivés lorsque la liquidité s’assèche. Certains gérants l’ont expérimenté à leurs dépends.