Comment communiquer sur les caractéristiques ESG de ses fonds ?

Face à des gestions ESG en plein boom, l’AMF souhaite clarifier les obligations d’information des investisseurs.

Le nombre de gestions intégrant des critères extra-financiers est en pleine expansion. Certains acteurs (BNPP AM, LBPAM…) transforment en profondeur leurs gammes, portés par l’appétit des investisseurs. En France, ce sont 1860 Milliards d’euros, soit 52% des actifs gérés intègrent des critères extra-financiers dans leur politique d’investissement mais la multiplicité des approches rend difficile l’appréciation des stratégies ESG par les investisseurs finaux.

L’AMF a donc publié l’été dernier une position-recommandation clarifiant les règles du jeu avec plusieurs objectifs :

  • Mettre en place de bonnes pratiques renforçant la confiance des investisseurs dans l’investissement responsable.
  • S’assurer du caractère exact, clair et non trompeur de l’information.
  • Définir une approche proportionnée en fonction de l’engagement (significatif, non-significatif) via une catégorisation des produits.
  • Renforcer les exigences sur les approches communiquant de manière centrale sur les caractéristiques extra-financières.

Ce texte s’applique à l’ensemble des fonds commercialisés en France, les gammes luxembourgeoises entrant donc pleinement dans le périmètre d’application. Ceci pourrait créer quelques difficultés avec la CSSF, sachant que la description des politiques d’investissement est bien moins détaillée au Luxembourg qu’en France.

Le texte est déjà en vigueur pour les produits créés après le 12 mars 2020, les produits existants devant suivre la position de l’AMF à partir du 12 mars 2021 avec l’ensemble de la documentaire réglementaire et commerciale mise à jour.

Illustration 1 – Planning de mise en oeuvre

Trois grandes catégories de produits avec des exigences précises à respecter

Un point clé du texte est la classification des produits en trois grandes catégories. Chaque catégorie intègre des critères précis au niveau de la couverture de l’univers d’investissement par une approche extra-financière, des règles d’exclusion ou des exigences de communication (documentation réglementaire ou commerciale).

  1. La première catégorie couvre les produits intégrant un engagement significatif dans la gestion
  2. La deuxième catégorie intègre les produits suivant des critères extra-financiers mais sans engagement significatif dans la gestion
  3. Enfin, la troisième catégorie regroupe le reste des produits n’atteignant pas les standards de communication centrale ou réduite

Illustration 2 – Synthèse des objectifs clés de chaque catégorie

Pour de nombreuses sociétés de gestion, intégrer un maximum de produits dans la catégorie 1 est un enjeu crucial de communication. En effet, seuls les produits de la catégorie 1 pourront communiquer de manière centrale sur leurs caractéristiques ESG que ce soit au niveau de leur dénomination, du DICI ou de la documentation commerciale.

Illustration 3 – Communication de caractéristiques extra-financières par catégorie

Ainsi, de nombreux produits doivent retravailler en profondeur leur approche ESG et renforcer l’information mise à disposition des clients. Être labellisé ISR ou  Greenfin est insuffisant pour respecter les critères de la catégorie 1 et à ce stade de nombreux produits, même labellisés, ne répondent pas aux standards de l’AMF.

Quelles exigences pour intégrer ses produits à la catégorie 1 ?

Les produits de la catégorie 1 doivent afficher des objectifs mesurables de prise en compte de critères extra-financiers. L’approche doit démontrer un caractère significatif sur les caractéristiques ESG. Trois approches principales sont proposées par le régulateur :

  • Approches en « amélioration de note » par rapport à l’univers : la note doit être supérieure à la note de l’univers (après élimination de plus de 20% des valeurs des moins bien notées)
  • Approches en « sélectivité » par rapport à l’univers : réduction au minimum de 20% de l’univers
  • Approches en « amélioration d’un indicateur extra-financier » par rapport à l’univers

En parallèle, les gestions doivent démontrer une couverture large de l’univers d’investissement :

  • Le taux d’analyse, de notation extra-financière ou de couverture de l’indicateur extra-financier doit être supérieur à 90 %.
  • Ce taux peut s’entendre soit en nombre d’émetteurs, soit en capitalisation de l’actif net.
  • La dette émise par des émetteurs publics ou quasi publics ainsi que les liquidités  sont exclues du calcul du seuil.

Il est à noter que ces seuils exigeants proviennent directement des règles du label ISR. En fixant des règles précises, l’AMF s’éloigne de l’esprit de SFDR qui permet plus de flexibilité aux sociétés de gestion dans leurs approches. Ainsi, la définition des catégories 1 et 2 n’est pas alignée avec les articles 8 et 9 de SFDR. C’est pour l’AMF l’opportunité de préempter le débat mais aussi d’imposer les standards ISR à l’ensemble des gestions souhaitant distribuer leurs produits en France.

Les exigences pour les produits de la catégorie 2 sont également importantes, notamment au niveau de la couverture de l’univers d’investissement. Intégrer ses gammes dans l’une des deux catégories ne se fera pas sans efforts.

Illustration 4 – Règles applicables aux produits de Catégorie 1 et aux produits de Catégorie 2

Prochaine étape : un projet de revue complète des gestions et de la documentation est nécessaire pour répondre aux exigences de l’AMF

La position-recommandation entre en vigueur dans quelques mois pour les produits en stocks et l’est déjà pour les produits récemment lancés ou modifiés. La plupart des fonds ESG voire ISR ne répondent pas aux exigences de la position-recommandation et ne peuvent pas prétendre communiquer de manière centrale sur les caractéristiques ESG de leur gestion. Ceci constitue un risque majeur pour l’attractivité commerciale des fonds. Ainsi, deux grands chantiers doivent être menés dès maintenant, si ce n’est déjà fait :

  1. Une revue complète des processus de gestion afin de s’assurer de leur cohérence avec les règles définies par l’AMF : mesurabilité des objectifs, couverture de l’univers, filtres d’exclusion…
  2. La mise à jour de l’ensemble de la documentation réglementaire et commerciale afin d’intégrer les obligations de transparence requises et éviter les risques de greenwashing

Le texte s’applique à tous les fonds, de droit français ou non, la revue des gammes internationales basées au Luxembourg est une priorité et sera source de complexité. En effet, l’adaptation des politiques d’investissement bien moins détaillées que pour les fonds de droit français sera un point d’attention particulier et pourrait retarder le processus d’agrément par la CSSF.

Tous ces chantiers sont complexes à mener et nécessitent de mettre en œuvre une approche projet afin de couvrir les gammes avec un focus sur les produits labellisés ou suivant une approche ESG.

Headlink est un spécialiste des projets réglementaires en Asset Management et a une excellente maîtrise des sujets autour de l’ESG. N’hésitez pas à nous contacter pour parler du sujet !