Le cadre réglementaire des crypto-monnaies en France

Préambule

Cette année 2020 durement touchée par la crise du covid-19, aura également été marquée par l’ascension de la monnaie virtuelle la plus en vogue, le Bitcoin, atteignant un prix dépassant les 18500 euros. De nombreux acteurs du monde des marchés financiers, s’intéressent de plus en plus à ces monnaies numériques et à leurs systèmes adjacents : la Blockchain

C’est dans ce contexte, que la loi Pacte adoptée par l’Assemblée Nationale le 11 avril 2019 a instauré un premier cadre juridique pour les crypto-actifs en France.

Voici en quelques lignes, les éléments essentiels à retenir de la mise en application de cette loi par l’autorité des marché financiers (AMF).

Les actifs numériques

Les monnaies digitales sont devenues un instrument spéculatif pour un certain nombre d’investisseurs. N’ayant au départ aucun statut juridique à proprement parlé, elles sont dorénavant classées parmi les actifs numériques.

Selon l’article article L54-10 -1 du code monétaire et financier, les actifs numériques comprennent :

  • Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie légale et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement (ex : Bitcoin, Litecoin, Ripple…)
  • Les jetons qui sont des biens incorporels représentant, sous forme numérique, des droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (Distributed Ledger Technology) permettant d’identifier, directement ou indirectement, leur propriétaire. Ces jetons peuvent être utilisés par des entreprises pour lever des fonds.

L’ICO (Initial Coin Offering)

Egalement encadrée par la loi PACTE, l’ICO est une méthode de levée de fonds pour financer des projets, basée sur l’émission d’actifs numériques, sous forme de jetons ou « tokens ». Ces jetons peuvent être revendus avec des plus ou moins-values. La majeure distinction avec les instruments financiers est qu’ils sont en principe acquis grâce à des crypto-monnaies, comme le Bitcoin et l’Ether.

La levée de fonds peut se dérouler via une offre au public de jetons à partir de 150 personnes ou via un cercle plus restreint de connaisseurs / intéressés.

Préalablement à cette offre au public, les émetteurs peuvent solliciter un visa auprès de l’Autorité des marchés financiers, et doivent répondre à plusieurs exigences, destinées à assurer une meilleure information et protection des investisseurs, notamment :

  • Un émetteur de jetons constitué sous forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France,
  • L’élaboration d’un document d’information visé par l’AMF relatif au projet financé, l’entreprise concernée et les risques de cette offre,
  • La présence d’un dispositif de suivi et de sauvegarde des actifs recueillis à l’occasion de l’offre.

Les ICOs sans visa de l’AMF restent légales en France, mais les émetteurs ne pourront pas démarcher le grand public.

Les prestataires de services sur actifs numériques (P.S.A.N)

Ils assurent différents services reconnus par la réglementation, liés à la souscription et la revente de ces actifs sur le marché secondaire, notamment :

  • Le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques,
  • Le service d’achat ou de vente d’actifs numériques contre des monnaies légales,
  • La réception et transmissions d’ordres sur des actifs numériques,
  • La gestion de plateformes de négociation d’actifs numériques,
  • La conservation d’actifs numériques ou d’accès à ces actifs sous forme de clés permettant leur stockage ou leur transfert.

S’ils le souhaitent, les prestataires de services sur actifs numériques peuvent être agréés et placés sous la supervision de l’AMF. Pour obtenir cette agrégation, ces sociétés doivent respecter les normes suivantes (mentionnées dans l’article L54-10-5 du code monétaire et financier) :

  • Obtenir une assurance civile professionnelle
  • Avoir des fonds propres suffisants
  • Avoir un système de contrôle interne adéquat
  • Un système informatique sécurisé et résiliant
  • Une politique transparente

Cependant, l’enregistrement auprès de l’AMF est obligatoire pour les prestataires exerçant les services de conservation d’actifs numériques et d’achat ou de vente d’actifs numériques contre des monnaies légales.

L’AMF vérifie lors de cet enregistrement l’honorabilité et la compétence des dirigeants et l’existence de procédures de lutte anti-blanchiment, et statue après avis de l’ACPR.

Le démarchage ou le mécénat sont interdits pour les prestataires non agréés.

Ordonnance du 9 Décembre 2020

Le 9 Décembre 2020, le gouvernement a voté une ordonnance de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme applicable aux acteurs des cryptos actifs.

Cette ordonnance s’oppose à l’anonymat des transactions d’actifs numériques en incluant les P.S.A.N dans la liste des entités ayant l’interdiction de tenir des comptes anonymes. L’Etat français souhaite identifier l’ensemble des utilisateurs afin de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Quelles sont les nouvelles règles en vigueur suite à cette ordonnance ?

Le 1er article de l’ordonnance précise que dorénavant tout acteur pratiquant l’échange crypto-crypto (notamment les plateformes d’échanges entre crypto-actifs) aura l’obligation de s’enregistrer auprès de l’AMF. Jusqu’ici, seuls les services permettant de conserver les crypto-actifs ou de les échanger avec des monnaies légales avaient l’obligation de s’enregistrer.

En synthèse, toute entreprise (française ou étrangère) naviguant dans l’univers des crypto-monnaies et officiant sur le marché français doit désormais être enregistrée auprès de l’AMF.

Les acteurs pour lesquels s’applique l’interdiction de détenir des comptes anonymes sont :

  • Les prestataires d’actifs numériques (P.S.A.N)
  • Les plateforme d’échanges entre crypto-actifs (par exemple KuCoin è échanges crypto-crypto)

Ces acteurs devront donc renforcer leur processus de vérification KYC (Know Your Customer) à travers :

  • Une évaluation des risques LCB-FT (la double vérification préalable de l’identité de l’investisseur et la transmission aux autorités des transactions jugées douteuses ou supérieures à 1 000 euros)
  • Une évaluation de la connaissance client
  • La vérification des bénéficiaires effectifs
  • La coopération avec les risques de renseignement
  • La mise en place d’un processus de gel des avoirs client