Bonjour à tous,
En cette période des fêtes, c’est le moment de faire quelques prédictions pour le secteur bancaire en 2023.
L’année dernière, je n’avais pas anticipé l’agression tragique de la Russie contre l’Ukraine (qui aurait pu anticiper cette folie ?), la chute des cryptos ou la baisse des financements dans le secteur des Fintechs. En revanche, j’avais vu juste sur l’impact positif de la hausse des taux sur la rentabilité du secteur bancaire, ou sur les opérations de M&A dans l’Asset Management.
Nous verrons si mes précisions pour cette année s’avèrent plus exactes.
Je vous souhaite à tous et à toutes une belle et heureuse année 2023, pleine de joie et de réussite !
Vincent
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1/ La rentabilité des banques reste au beau fixe
Le secteur bancaire a profité de la remontée des taux pour améliorer la marge d’intérêt et améliorer sa rentabilité. En parallèle, la discipline sur les coûts toujours forte, a généré un effet ciseau positif. Résultat, les banques européennes, moins exposées que les géants de Wall Street aux activités d’origination et de M&A ont réalisé une excellente année.
En 2023, la tendance devrait se poursuivre, sauf événement inattendu (crise géopolitique ou virus), malgré un coût du risque plus élevé. Les banques ayant bien géré leur refinancement et leur couverture de taux vont encore améliorer leur rentabilité. Ceci redonnera des marges de manœuvre pour investir dans la transformation digitale ou lancer des opérations de M&A ciblées.
2/ La concentration du secteur s’accélère… hors activités bancaires cœur
La vague d’acquisitions ciblées devrait se poursuivre en 2023 après une année 2022 marquée par de nombreuses transactions : rachat des activités Securities Services de RBC en Europe par CACEIS, acquisition de Lyxor par Amundi, vente du portefeuille client d’ING France à Boursorama… Ces opérations permettent de générer des synergies rapidement, avec un risque d’exécution limité.
Les grandes opérations transformantes, notamment transfrontalières, restent complexes et génératrices de synergies relatives, notamment au niveau des systèmes d’information. Malgré la pression récurrente des banques centrales pour ce type d’opération, les directions générales des banques privilégient des options moins risquées et plus rentables à court terme.
3/ Les établissements bancaires poursuivent leur recentrage
Les opérations de concentration ne sont que la conséquence logique du recentrage accéléré des établissements bancaires. Finies les ambitions globales, les banques se régionalisent en se recentrant sur quelques géographies et marchés cœurs. Ainsi, HSBC après la France vient de vendre ses activités au Canada, ING quitte de nombreux pays européens, même certaines Fintechs comme Revolut sortent de certains marchés. La tendance va se poursuivre, à court terme, avec la constitution d’oligopoles puissants, bénéficiant à plein d’économies d’échelles.
Cette stratégie permet d’améliorer la rentabilité mais également d’augmenter les barrières à l’entrée pour la concurrence. Au final, les banques ne font qu’accompagner un mouvement plus général de démondialisation avec la constitution de blocs régionaux plus autonomes et moins interconnectés.
4/ La gestion des risques financiers et opérationnels revient au cœur des préoccupations
Le ralentissement de l’économie, la fin des politiques monétaires accommodantes et du quoi qu’il en coûte commencent déjà à impacter le coût du risque. Pour le moment, la situation reste sous contrôle, notamment au sein des banques françaises. Mais l’impact sur la rentabilité pourrait rapidement devenir important, les établissement, notamment Retail ont commencé à serrer les coûts en anticipation. Certains établissements du sud de l’Europe, encore plombés par les créances douteuses pourraient également souffrir et générer un stress sur le secteur bancaire.
En parallèle, le pilotage du risque opérationnel est également un enjeu de plus en plus prégnant, avec la pression renforcée du régulateur. Beaucoup d’établissements ont encore beaucoup à faire pour structurer un dispositif de contrôle rigoureux et continu, que ce soit sur le niveau 1 ou le niveau 2. Les établissements français devront investir lourdement dans le domaine, peu importe l’impact sur leur rentabilité, et opérer un travail de fond sur la construction d’une culture du risque opérationnel, partagée par l’ensemble des collaborateurs.
5/ La chasse au greenwashing est lancée
2022 fut l’année de la montée en puissance des réglementations autour de la Finance Durable et de la conversion à marche forcée de nombreuses gestion vers une approche ESG. Fin 2021, plus de 50% des flux sur les fonds s’orientaient vers des produits Article 8 voire Article 9, la révolution ESG était en marche. Malheureusement, la belle mécanique s’est enrayée.
On peut objecter le manque de données, le calendrier réglementaire incohérent ou l’absence de définitions communes. Mais trop d’établissements ont construit une approche ESG trop agressive (DWS le regrette amèrement), avec des engagements trop vagues. Les régulateurs renforcent déjà leur exigences sur le nom commercial des produits, les données à utiliser (l’AMF ayant une position dure sur le sujet), avec les premières sanctions. En 2023, il faudra renforcer de manière drastique la cohérence du dispositif ESG, tout en produisant des reporting complexes : Taxonomie, SFDR ou Loi Energie Climat.
6/ La mutualisation de moyens au sein des banques accélère, brisant les silos métiers
La plupart des banques mènent depuis des années des projets au long cours de réduction des coûts au sein de chaque activité. Les leviers utilisés sont multiples : refonte et simplification de l’architecture IT, offshoring, outsourcing, simplification de l’offre, revue et optimisation de processus, recentrage des activités. Les résultats sont probants mais ne suffisent plus à faire la différence, il faut donc trouver de nouveaux leviers.
Les projets de coopération ou de mutualisation de moyens entre activités devraient ainsi se multiplient à l’instar de l’intégration de BP2S au sein de BNPP CIB. A minima les fonctions transverses (Finance, Risques, Legal, RH) seront de plus en plus centralisées mais au-delà on devrait voir émerger des hubs pilotés par telle ou telle entité et servant toutes les composantes du Groupe. De quoi donner un avantage compétitif supplémentaire aux établissements de grande taille, aux activités diversifiées.
7/ Les banques à la conquête de l’eldorado de la data
Peu à peu les banques apprennent à tirer parti de leur data et à les monétiser. Les établissements financiers produisent un volume impressionnant de données, sur les trades, les positions, les prix d’exécution et peuvent les revendre à des gérants ou des établissements Tiers 2 ou Tiers 3, afin de les aider à construire leurs propres algorithmes d’exécution ou à identifier des signaux de trading. SGCIB est ainsi très avancée dans le domaine, comme les banques américaines.
Mais les banques au-delà de vendre, achètent des données, notamment ESG. La dépendance à des fournisseurs américains est patente, le rachat de Proxinvest n’est que le dernier épisode d’une longue série. Certains imaginent ainsi un data provider européen, bénéficiant des achats de données des grands acteurs de la Place, afin de construire une alternative crédible aux géants américains.
8/ Les cryptos sont mortes, vive la crypto
Les cryptos ont vécu une Annus Horribilis, l’effondrement de la valorisation des monnaies numériques ayant entraîné la chute d’acteurs essentiels, souvent pour des raisons frauduleuses (coucou FTX). Le secteur tente désormais une opération sauvetage, menée par Binance, lui-même sous pression.
Les cryptos ne disparaîtront pas en 2023, on peut s’attendre à une stabilisation des valorisations et à la poursuite de la consolidation du secteur. La crise n’a d’ailleurs pas refroidi les acteurs traditionnels, les offres de trading, d’investissemet ou de custody vont continuer à se multiplier. On pourrait aussi voir émerger des offres crypto contre service, comme évoqué par Bill Ackman.
Enfin, la tokénisation du passif restera un axe de développement majeur, la stabilisation du cadre juridique avec MiCA facilitera les projets. On peut rêver à court terme à un développement des émissions tokénisées, sur les obligations et les parts de fonds. Des projets comme Iznes ou FundsDLT devrait encore gagner en traction.
9/ La fin du mirage des neobanques
Les néobanques ont souffert en 2022 et la situation n’ira pas en s’améliorant en 2023. Le modèle reste fragile, les revenus par clients bien souvent trop bas faute d’offre bancaire complète, intégrant crédit et épargne. Ainsi, N26 est dans le viseur du régulateur et accumule les pertes, Revolut inquiète pour sa culture toxique.
2023 devrait être l’année de vérité, avec des fermetures d’acteurs ou des rachats à bon compte par d’autres néobanques, voire des banques traditionnelles. Au final, ce sont certainement les banques digitales complètes comme Boursorama ou Fortuneo qui vont tirer leur épingle du jeu.
10/ L’IA pour un saut qualitatif dans le service client
Pour finir, l’irruption de ChatGPT a montré le potentiel énorme de l’IA dans la gestion de la relation client au quotidien. Les établissements bancaires doivent se préparer à une disruption majeure, permettant d’améliorer le service client de manière drastique. A ce stade, la révolution portée par ChatGPT ne fait pas suffisamment les gros titres, pourtant c’est un événement majeur. Les utilisateurs ne s’y sont pas trompés, le service ayant atteint le million d’utilisateurs en un temps record.